Georgette Sand a vu « Annie Colère » sur le MLAC dans les années 70


Culture Georgette / mardi, novembre 29th, 2022

Sortie ciné obligée ! Fin novembre, nous sommes servies, beaucoup de films fascinants sont sortis cet automne et font la part belle aux femmes, des films qui ont souvent moins de producteurs derrière, moins de budget, et donc qu’il faut soutenir, surtout quand on serine en permanence qu’on en a assez du male gaze ! et bref, Georgette Sand vous conseille d’aller voir ce très beau et très tendre film, sur un sujet que l’on ne penserait ni beau ni tendre : l’avortement clandestin.

Contexte : nous sommes début novembre et une délégation Georgette a eu la chance d’être invitée à voir en avant-première « Annie Colère ». Nous sommes invitées avec des militantes associatives et journalistes à assister à une projection dans un vieux cinéma privé du 8e arrondissement de Paris, une salle obscure avec des fauteuils en cuir immenses et follement confortables.

Objet du délit, Annie Colère, porté par la fabuleuse Laure Calamy qu’on ne présente plus vraiment et qu’on voit partout en ce moment, et réalisé par Blandine Lenoir (réalisatrice de Aurore avec Agnès Jaoui, film déjà très féministe car sur la ménopause).

Annie Colère raconte un pan méconnu de notre histoire : celle du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) et des prémices de la loi sur l’avortement en France. Car trop souvent on cantonne la légalisation de l’IVG aux débats houleux à l’Assemblée Nationale (deux trois perles et le harcèlement qu’a subi Simone Veil).
Le film revisibilise les anonymes qui partout en France ont poussé les murs et officialisé l’avortement clandestin jusqu’à ce que le gouvernement ne puisse plus faire machine arrière. Et raconte comment dans les années 70, un groupe constitué essentiellement de femmes pratiquait absolument partout et sans se cacher, au final, des avortements illégaux aux yeux de la loi et qui devaient théoriquement les envoyer aux Assises.

Vous allez nous dire, pas fun votre histoire (surtout si vous avez vu L’événement de Audrey Diwan, d’après l’oeuvre de Annie Ernaux notre bien aimée nouvelle Nobel de Littérature).

🟣🟢🟣Mais non en fait. Ici nous ne sommes pas dans un récit difficile, nous sommes dans le récit d’une tendresse collective, de la sororité qui a poussé ces femmes à s’organiser. Bien sûr que les trajectoires et récits du film montrent difficultés, deuils, chagrins, l’incompréhension des proches parfois. Mais aussi la parfaite banalisation au sein des couples de l’avortement clandestin. Comment chaque année 5000 femmes mourraient des conséquences d’avortements clandestins mal réalisés, argument clef qui a poussé ensuite Simone Veil a légaliser l’IVG en France en 1974. Parce que justement le MLAC montrait qu’il était possible d’avorter sans en crever ou finir stérile.

Ces femmes qui ne veulent pas mourir sont un groupe, tenace, qui se soutient, qui se forme, qui s’entraide et conquiert sa liberté, son autonomie intellectuelle. Le film est un film choral, sur l’entraide, la sororité, l’apprentissage d’un savoir faire pour ne pas oublier, pour ne laisser personne de côté.

A la fin du film, nous avons demandé aux militantes du MLAC présentes si elles voulaient bien nous former, car sait-on jamais, leur expertise a été cédée aux bons soins du corps médical (mais pas des sage-femmes) et de l’hopital public, qui vous le savez sans doute n’est pas en forme. Dans un contexte où avorter est très compliqué en zones rurales parce qu’il n’y a plus de médecins, et en villes car il y a trop d’attente. Dans un contexte national où l’Assemblée a voté pour l’a constitutionnalisation de l’IVG, dans l’attente du même vote du Sénat. Et dans un contexte international où l’avortement est remis en question aux Etats-Unis ou plus près, en Pologne, ce qui a mis en grande difficultés les femmes ukrainiennes en exil.

Sur le chemin du retour, encore émerveillées par la tendresse qui se dégageait du film, dans le métro, face à une affiche du documentaire Riposte féministe, nous voyons en passant deux femmes, la bonne soixantaine. Elles s’interrogent sur le film. Nous engageons la discussion et leur parlons du film que nous venons de voir « Annie Colère ! » « allez-y ! c’est génial, ça donne la pêche ! C’est sur le MLAC et personne ne connait vraiment tout ce qu’elles ont fait ! » et les deux de nous regarder avec un grand sourire : « alors on va y aller, parce qu’à l’époque, nous militions au MLAC » ✊✊✊
Bravo à elles et merci !🟣🏆🟣

Et vous, courrez en salles !

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