Georgette Sand en commission des lois sur les questions de santé menstruelle et gynécologique


A la une / mercredi, mars 20th, 2024

Georgette Sand était invitée le 20 mars 2024 à l’Assemblée nationale en commission des lois sur les questions de santé menstruelle et gynécologique avec d’autres expertes de la question : juristes, sociologues du travail, expertes des enjeux d’égalité professionnelle en entreprise.

De gauche à droite : Ophélie Latil (Georgette sand), Djaouida Sehili, sociologue, contributrice à l’article Le congé menstruel, un progrès pour l’égalité entre les hommes et les femmes ?, Revue de droit du travail, 2024, Alice Romerio, maîtresse de conférences en science politique, Université Paris 8, Cresspa, qui a lancé une consultation sur l’endométriose, Julia Mery, déléguée à la formation égalité au HCE

La proposition de loi visant à reconnaître et protéger la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail (n° 2227) est portée par les Écologistes, et notamment Sébastien Peytavie.

On vous recommande d’ailleurs une vidéo très drôle où son équipe a fait tester les douleurs menstruelles à différents élus masculins, pour leur faire comprendre le concept de règles incapacitantes. Lien BRUT sur Instagram ICI

Que retenir de cette loi potentielle ?

Sur les bémols :

Parler du monde du travail, c’est bien évidemment ne pas parler de la recherche sur les douleurs menstruelles incapacitantes, ou les maladies comme l’endométriose et le SOPK, qui comme vous le savez maintenant, car on le répète beaucoup depuis notre première campagne sur le sujet en 2015, ne fait pas l’objet de financements aussi conséquents que des maladies qui touchent invariablement les hommes. Sans oublier que les milliards, on les trouve vite pour fabriquer le Viagra, en revanche quand une femme sur 10 parle de difficultés à marcher, travailler ou avoir un enfant… On minimise l’importance du sujet, l’effet Mathilda – qui minimise systématiquement ce qui est féminin) est toujours bien présent dans notre société.
Et comme ce n’est pas un projet de loi gouvernemental, la loi proposée ne bénéficie pas de la même marge de manœuvre, pas de 49.3 soviétique au programme et financement maigrichon, ce qui implique qu’il n’y a pas de proposition de formation aux questions menstruelles. (Or la formation, c’est le nerf de la guerre : informer les filles puis femmes sur leur corps, parler des douleurs pour mieux dépister, former les soignants et organisations humaines, entreprises comme collectivités).

Sur les points positifs :

La loi parle d’arrêt menstruel et pas de congé, ce qui n’est pas un détail. Trop souvent le débat sur le congé menstruel fait tiquer même les motivées car la manière de le présenter donne 1) l’impression de donner des vacances supplémentaires aux femmes, et ça ca rend fou les misogynes qui bloquent tout 2) les renvoie chez elles sans les soigner 3) renforce le caractère discriminatoire des règles car les femmes s’autocensurent de peur d’être discriminées.

La loi questionne la question de la performance au travail, un truc bien viril, qui permet de rappeler que le monde du travail a été pensé pour des hommes de 30 ans bien portants, et qu’il y a tous les autres.

Ici l’idée d’un arrêt permet de parler de règles incapacitantes (douloureuses, mais pas que) et d’un arrêt qui serait réalisable directement sur le site Ameli.
Il permet d’enlever le délai de carence, et de ne pas sortir chez le médecin alors qu’on a du mal à marcher.

La loi ne tombe pas dans le cliché de mettre en télétravail les femmes qui souffrent (parce que ce n’est pas la solution miracle et c’est excluant) mais propose de moduler différentes solutions, lesquelles ne seraient pas décidées par l’employeur, mais proposées à la discrétion des principales intéressées.

Quelles étaient nos remarques :

Super sur la sémantique « arrêt » et pas « congé ».
À fond pour encadrer la santé des femmes dans le cadre de travail
À fond aussi pour renforcer la négociation interne (dialogue social, accords d’entreprises, accords de branche)
Vigilance sur le risque de renforcer l’isolement des femmes en incapacité de travail
Vigilance sur le fait de considérer que le télétravail, c’est la clef (si on ne peut pas travailler, peut-être que télétravailler non plus – l’idée de la loi étant de proposer des leviers différents, en fonction du niveau de gravité de l’affection, qui peut passer du congé au télétravail en passant par l’aménagement des horaires).
Par ailleurs, tous les métiers ne sont pas télétravaillables, y compris dans la fonction publique où un tiers des emplois ne sont pas télétravaillables (animation sociale, secrétaires de mairie, espaces verts…).
Vigilance sur le ciblage : plein de femmes sont en dehors du circuit du droit du travail « classique », les indépendantes dont certaines sont sorties du marché du travail justement, car elles n’y avaient pas l’accompagnement adéquat, les prestataires de service externalisés (femmes de ménage) les métiers précaires qui clairement ont besoin d’aller aux toilettes et ne peuvent pas (hôtesses de caisse) et tous les postes féminins sans autonomie (l’institutrice ne peut pas sortir de classe par exemple).
Vigilance sur la confidentialité du dépôt d’un jour de carence (si c’est tous les mois, c’est vite identifié) et sur la confidentialité en général (sur les procédures de suivi du handicap et des affections de longue durée, il existe une procédure permettant aux RH d’avoir l’information sans le détail, et d’avoir cette information sans avoir à la donner au manager) et donc attention à l’essentialisation, qui consisterait à considérer que toutes les douleurs ne sont pas soignables, ou que toutes les femmes sont en situation de handicap.

La suite : la loi est discutée en Commission officielle le 27 mars, puis soumise au vote le 4 avril 2024. Et Georgette Sand surveille cela de près.