Dans le cadre de ses activités de lobbying institutionnel, le collectif Georgette Sand était auditionné à l’Assemblée nationale le 18 août sur les questions de précarité menstruelle mais tout particulièrement sur la question du congé menstruel.

Le sujet est posé régulièrement, et Georgette Sand est régulièrement sollicitée par les organisations politiques et syndicales. Le congé menstruel permettrait-il une meilleure prise en compte par la société des douleurs menstruelles ?
Après des passages en universités d’été (EELV, Toulouse 2019) ou encore dans les médias : Pour ou contre le congé menstruel ? Welcome to the jungle, juin 2021, débat avec Elise Thiebaut de Ceci est mon sang (La Découverte) et Ophélie Latil, fondatrice de Georgette Sand, le groupe Règles du collectif, avec notamment Marie-Paule Noël, a été sollicité dans le cadre préparatoire d’un projet de loi sur le sujet par la députée LREM Albane Gaillot.

Quels sont les arguments avancés dans ce cadre ?
Déjà, le contexte : en juin, une SCOP de Montpellier a lancé la possibilité pour les femmes de la structure ayant des douleurs menstruelles de prendre des jours de congé supplémentaires. De là, une forte médiatisation. Question : serait-ce la solution, dans un contexte national où la précarité menstruelle est aujourd’hui bien plus prise en compte qu’il y a 6 ans ? Alors nos premières actions sur le sujet et notamment notre fameuse Campagne TamponTaxe qui a fait péter la TVA sur les protections menstruelles (tampons, serviettes, coupes) étaient vues comme terriblement sulfureuses, mais aujourd’hui ?
Globalement, Georgette Sand est contre car :
– donner un congé menstruel est l’idée, forte aimable au départ, que les femmes qui ont des règles très douloureuses ou abondantes puissent ce jour là éviter d’aller au bureau. Sur le principe c’est super bien sûr. Mais.
En conséquence, on renvoie les femmes chez elles et on ne s’attaque pas du tout au symptôme des douleurs menstruelles, lesquelles ne sont pas, mais alors absolument pas une fatalité.
- les douleurs menstruelles ne sont pas systématique. On ne parle pas de syndrome pré menstruel mais bien de douleurs, lesquelles ne toucheraient qu’un tiers des femmes.
- ces douleurs ne sont pas naturelles et inéluctables, mais liées à des dysfonctions du corps, côté utérus et viscéral, et se débloquent avec des soins, une activité sportive, des soins : acupuncture, ostéopathie, naturopathie, également des tisanes, bref de la médecine traditionnelle ou douce, cette dernière n’étant pas bien intégrée ou remboursée dans les mutuelles des travailleuses.
Et pourquoi elles ne sont pas remboursées ou mal par la plupart des mutuelles des CCN (conventions collectives liées aux accords de branche)? Parce qu’elles sont négociées en haut lieu par des mecs of course, des boomers, qui savent pas ce que c’est et ne voient pas l’intérêt (enfin le leur).
- n’oublions pas le coût du sport et la part minime des femmes dans la pratique sportive en France alors que le sport (comme la masturbation) permettent de diminuer les douleurs menstruelles classiques. Mais pour cela il ne faut pas renvoyer le corps chez lui mais le montrer dans l’espace public en faisant du sport, ou connaître et explorer son corps.
- pour les personnes qui ont une maladie, endométriose ou ovaires polykystiques, cela doit être considéré comme tel, sinon c’est essentialisant de dire toutes les femmes qui ont leurs règles ont un problème et sont malades. Une femme n’est pas malade quand elle a ses règles, sans doute plus fatiguée, plus énervée, doit s’organiser, et c’est pénible mais beaucoup peuvent parfaitement gérer leurs tâches quotidiennes, faire du sport, aller au travail. Être une femme n’est pas un handicap.
- Donc plutôt que de renvoyer les femmes chez elles, comme ça on ne les voit pas et on cache cette douleur que nous ne saurions voir, afin que ça reste un joli tabou, on ferait mieux d’investir dans la recherche sur les maladies de femmes.
- Il faut refuser d’essentialiser les femmes et de cacher la misère, et donc pas d’éloigner les femmes de lieux de socialibilité, d’émancipation financière et de lutte contre les stéréotypes liés aux femmes.
Là dessus on notera un parallèle avec un débat bien plus ancien, celui du travail de nuit des femmes fin XIXE,nombreux trouvent cela positif, mais d’autres, comme Clara Zetkin y voient au final un moyen de priver les femmes de temps de travail mieux rémunérés (ce en quoi elle avait bien raison). Clara Zetkin avait toujours compis et en tant que féministes, nous savons que ce nous faisons aujourd’hui n’est qu’une énorme répétition. Y compris quand nous voulons faire le bien et qu’en réalité cela crée des effets pervers.
Donc :
- promouvoir tout ce qui permettrait de soigner ce qui semble inéluctable
- refuser ce ‘ha en fait on pouvait faire quelque chose et on a préféré renvoyer les femmes à la maison’
‘soigner et analyser, maîtriser le sujet et ses enjeux, - financer la recherche sur les maladies,
- diminuer la charge menstruelle en entreprise avec des distributeurs et des toilettes correctes,
- laisser des temps de pause
- augmenter la part de financement des médecines douces qui travaillent sur les dysfonctions menstruelles et ne sont pas remboursées par les négociations syndicales des boomers qui s’intéressent qu’à leurs dents et leur presbytie’,
- toujours laisser le choix aux femmes de voir les règles être une chose banale et ne pas l’entourer de drama si elles ne le souhaitent pas, car considérer que les femmes sont malades quand elles saignent alors qu’il s’agit d’une fonction naturelle du corps humain féminin n’est pas la meilleure voie, à mon avis, dans la fin du tabou des règles.
- sans oublier la notion fondamentale de discrimination dans l’accès aux droits et notamment à l’emploi. On essentialise les femmes et on les discrimine déjà mais faut-il en rajouter ?
Pour beaucoup, la condition de femme et le rattachement au travail ne doivent pas être connectés aux saignements. Quid de toutes celles qui sont timorées sur le sujet ? De celles qui ont des migraines hormonales non considérées comme un handicap et qui touchent uniquement les femmes ?
Les enfants, la potentielle maternité, les stéréotypes sur les femmes au travail sont déjà des freins, on ne va pas en plus rajouter les règles.
Et ça veut dire qu’une fois qu’on est ménopausées on y a plus droit ? Donc faut le déclarer aux rh et devenir la senior qu’on veut dégager ? Car en effet, il ne faut pas oublier que les femmes seniors sont les plus harcelées dans l’environnement de travail. Il faudra donc gruger, comme Nadine Labakhi dans son film Caramel, laisser en évidence des serviettes pleines de vernis rouge pour faire croire qu’on a toujours ses règles. - En revanche :
– des jours maladie existent dans certaines branches et à l’étranger (« sick day ») et correspondent à ce qu’on veut, sans feuille maladie. Ils sont utilisés par les femmes et les hommes aux États-Unis notamment pour la gueule de bois, les migraines, les maux de ventre, parfois ces jours maladie sont utilisés pour ‘enfant malade’ et c’est là qu’arrive un autre problème, les femmes le prendront elles, si elles ont des enfants, pour leurs règles ou garder les enfants ?
Dans la pratique évidemment les hommes le prennent pour eux, les femmes pour la progéniture. Mais cela sera aussi le cas avec un congé menstruel pour les mères de famille qui le prendront uniquement en cas d’enfant malade. Un impact positif reste donc à mesurer dans le bilan annuel de la prise de ces congés.